Après ma lettre du 8 mars dernier et tout ce que j’ai pu lire sur les réseaux en cette journée de la femme, tout ce qu’elle soulève de passionné chez les intéressées, je n’ai cessé d’y repenser. Et plein de pensées me sont venues au sujet de notre part sexuée. Etude de genres et (dé)considération. « Androcentrage ». Féminisme, féminitude et féminité. Ce fémnin qui excite et suscite ou que l’on évite mais qui nous habite et colore nos désirs, nos envies, no actes, nos attitudes et nos sentiments.
Je me garderai bien d’aborder la question du genre qui est de l’ordre du débat social. Idéologique. Démagogique ?
Parce que maintenant, à l’ère (paradoxale) de la liberté de penser et de s’exprimer, on ne peut plus rien dire, ou plus grand chose, sous peine de se faire clouer au pilori et de brûler, telle Jeanne d’Arc, sous les flammes de l’intolérance tolérée, simplement parce qu’elle est l’apanage du plus grand nombre.
Comme Coluche le disait si bien, « ce n’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort, qu’ils ont raison ! »
Mais bon, passons.
Ce que j’observe souvent au moment de la journée de la femme, c’est cette revendication égalitariste, dite féministe, qui, pour moi fait écho à un phénomène de société qui touche tous les sujets d’actualité, et qui est de l’ordre du lissage, du gommage de différences, du déni de particularités.
Personnellement, je ne comprends pas. Aspérités, vallonnements, textures, variations, déclinaisons chromatiques, ne constituent-ils pas tout l’intérêt de ce qui nous définit par essence, ce qui nous enrichit les uns les autres ?
J’essaie d’imaginer une partition qui ne se jouerait que sur une seule et unique tonalité et sans modulation ? Morne. Atone. Ennui. Sont les mots qui me viennent à l’esprit. Ou une chaîne de montagne dont on aurait effacé tous les sommets. Un jardin, qui ne serait rempli que de fleurs de même couleur.
La différence est pour moi d’une infinie richesse et cela n’a rien à voir avec une forme de classification, de cloisonnement, de manque d’ouverture ou de jugement de valeurs.
Personne ne devrait avoir besoin de vouloir ce que l’autre a, ni d’être ce que l’autre est, pour exister, co-exister. Nous sommes tous une part de l’autre mais l’expression de cette part n’a pas la même couleur, la même odeur, la même saveur, et ce n’est pas l’écriture inclusive et ses semblables qui vont changer cela ! Je ne le crois pas.
Très honnêtement, si je peine à être la femme que je suis aujourd’hui, c’est plus le fait de mon éducation et de mes propres croyances bloquantes, que de ma condition. Alors, on pourrait dire que oui, ce qui m’a été transmis, explicitement, implicitement et trans-générationnellement, est emprunt de préjugés de genre ancestraux (principalement religieux d’ailleurs…). Soit. Mais, je suis prête à parier que les hommes de ma famille auraient tout autant à redire quant à leur héritage sur d’autres plans, générateurs d’empêchements d’autre nature, mais pas moins empêchant pour autant.
Et puis, des femmes qui se sont assumées pleinement dans ma famille, il y en a aussi ! L’une d’entre-elles fut navigatrice et exploratrice, une autre une grande actrice (par ailleurs très engagée pour la cause féminine). Elles sont restées femmes jusqu’au bout des ongles, et on accompli leur destin en tant que telles, en tant qu’elles.
Alors bien sûr, la société, l’école, notre milieu professionnel, les autres parfois, peuvent nous renvoyer des messages déstabilisants, amoindrissants, jugeants, opprimants, enfermants et réducteurs, mais c’est à nous de nous opposer, nous interposer, nous imposer en restant ce que nous sommes, authentiquement. Et si nous choisissons de ne pas le faire en pensant que nous n’avons pas le choix, que ce n’est « pas si simple que ça », ne nous voilons pas la face, nous ne faisons qu’alimenter nos bénéfices secondaires (encore eux) à rester là où nous sommes par peur d’aller là où nous voudrions aller.
Evidemment, entendons-nous, je parle de nous, femmes émancipées d’occident. Celles pour les droits desquelles Simone Weil s’est battue, et tant d’autres avant et après elles. Et des figures me viennent comme Peggy Guggenheim, Coco Chanel, Barbara, Florence Arthaud, Maria Callas, Marie Curie, George Sand (qui s’habillait comme un homme pour aimer comme une femme)… Ces femmes ne sont plus, mais j’en connais qui sont encore et qui n’ont pas besoin de faire d’aussi grandes choses, ou disons des choses aussi exposées, pour explorer, assumer et vivre pleinement leur dualité sexuée. Elles sont architectes extraverties, artistes-enseignantes engagées, rockeuses cardiologues, et tant d’autres choses.
Je crois que la Liberté est une affaire de responsabilité individuelle vis à vis de ce que l’on fait de ce que l’on a, et de ce que l’on reçoit. De la façon dont on transforme tout ça.
Jean Ferrat chantait « la femme est l’avenir de l’homme ». Moi, ce que j’entends c’est que ce sont les caractéristiques propres au féminin que nous avons tous en nous qui sont à vivre pleinement, authentiquement et humblement. Que les femmes se reconnaissent en tant que telles, acceptant l’homme en elles, et inversement.
La femme n’a pas besoin de devenir un homme pour autant.
Une confusion qui, d’après moi et ce que j’ai pu constater au cours de ma vie professionnelle, conduit souvent les femmes à jouer une musique qui n’est pas la leur à l’intérieur, et ça fait mal, c’est douloureux, pour elles et pour le monde autour d’elles.
Oui le féminin VAUT autant que le masculin mais, d’après moi, ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre, et c’est très bien comme ça ! Ce que l’égalité a d’indiscutable et d’absolument nécessaire, n’a pas à devenir une sorte de grand amalgame dépourvu de sens et d’essence. Ensuite, il nous appartient de choisir librement notre forme, notre expression, notre « costume de scène », celui qui nous permettra d’incarner notre voix, notre lumière particulière, de lui donner un navire et des voiles.
Dans Pourquoi je n’ai pas écrit de film sur Sitting Bull, Claire Barré expérimente le chamanisme et la culture indienne. Elle rencontre le petit-fils de Sitting-Bull qui lui explique à quelle point la place de la femme était centrale dans la culture lakota. Les Amérindiens étaient profondément féministes (dans le sens originel du terme et non militant !). Les hommes obéissaient à leurs femmes et à leurs mères.Ils s’occupaient de la chasse et de la guerre, mais les femmes faisaient tout le reste. Pour les décisions importantes, les hommes en discutaient entre eux, mais le dernier mot revenaient aux vieilles femmes, considérées comme plus sages. Le petit-fils de Sitting-Bull affirme à Claire que si tout va mal dans notre culture occidentale c’est parce qu’on a oublié de donner le dernier mot aux femmes…
Il semblerait que les indiens, et beaucoup d’autres peuples indigènes, de cultures anciennes, avaient compris les lois du juste équilibre des choses en ce monde.
Et, si nous en avions fait autant, peut-être que Jeanne d’Arc n’aurait pas eu besoin d’être brûlée. George aurait put s’appeler Georgette et Colette aurait écrit en son nom. Et les hommes se serviraient de leur intuition pour diriger conjointement le monde avec amour et générosité. Ego réparé.
Vaste utopie ? Un jour peut-être, puisque l’espoir est permis.
Alanis Morissette. Utopia. Une femme qui aime les femmes en restant Femme absolument.
Voilà. Tout cela n’engage que moi bien sûr. Un parti pris subjectif qui n’a pas vocation de vérité. Parce que la vérité n’existe pas.
One thought on “De l’indissociabilité”