Revenir

Comment revenir après une longue période d’absence. Ou plutôt, comment (re)faire 5 pas en avant, quand on en avait fait deux dans ce sens-là, puis trois dans l’autre. Vendredi, je suis allée dîner chez des amis. Leur petit garçon de 9 ans avait fait une cabane sous son lit, que je suis allée visiter. Je lui ai demandé ce qu’il y faisait dedans, s’il y inventait des choses, s’il s’imaginait des histoires lorsqu’il était à l’intérieur. Il m’a dit : « Non, moi, je n’invente rien. Dans ma cabane, je transforme les choses, toutes les choses. Je prends une chose, et je réfléchis à tout ce que je pourrais faire avec cette chose. A ce que je pourrais en faire de différent. Elle est bien ma cabane. Elle n’est pas grande, mais elle est pratique, il y a tout dedans, et je pourrais y rester très longtemps si j’avais une bouteille d’eau plus grande que ça… ». Et il me montre sa petite bouteille en plastique de 50 cl. « Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme ». Et je me suis dit qu’il avait déjà tout compris ce petit. Lavoisier aurait parait-il emprunté (et transformé !) les propos d’un philosophe Grec qui disait lui que « Rien ne naît ni ne périt….des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ». Comment peut-on être si petit, et avoir déjà une si grande capacité de projection abstraite et conceptuelle, une telle lecture du monde. C’est qu’il se passe une quantité infinie de choses dans la tête de ce petit garçon-là. A tel point qu’elles sont parfois bien difficiles à contenir, prioriser, réguler…. C’est dur d’avoir 9 ans dans son corps et dans son coeur, et pas dans sa tête. Pourtant, malgré toute la difficulté et l’inconfort que cela peut représenter au quotidien, ou dans son rapport aux autres, même proches, enfin c’est ainsi que je me l’imagine, et bien malgré tout cela, nourrir son cerveau en ébullition est une obligation, une sorte d’auto-injonction inconsciente. Cette nécessité-là dépasse toutes les autres, et il en sera toujours ainsi, question de survie.

J’ai trouvé ça très intéressant. Et cela m’a fait réfléchir, moi, à la façon dont je transforme les choses, à ma simple capacité à le faire. Suis-je capable de transformer les choses qui m’arrivent, comme un blocage créatif, une perte de confiance en moi, un manque d’inspiration, une poussée de procrastination, une capsule d’inertie qui émerge soudain suite aux effets dévastateurs d’une névrose comparative perfectionniste…. Ai-je les ressources suffisantes pour remonter à la SURFACE ? Suis-je seulement capable de percevoir et sentir jusque dans mon corps le caractère essentiel de ce besoin de transformation, intérieure puis extérieure, et de dépassement, de mes peurs, de mes tribulations mentales et de mes tourments ? Saurais-je accepter de ne rien inventer, mais teinter de ma propre couleur ce qui existe et me plait déjà, pour en faire quelque chose qui n’appartiendra qu’à moi, me ravira et me montrera le chemin de ma contribution au monde ?

Transformation.

Alors, je me rappelle un livre que j’ai lu, un livre qui intéresserait sûrement tout un tas de gens, un livre qui s’intitule « Je pense trop », de Christel Petitcollin. Il s’agit d’un essai sur la surdouance, ou plus exactement la surefficience mentale. Mais que signifie penser trop. Avoir l’esprit en constante surchauffe et une pensée extra-arborescente. Cela peut faire de nous des êtres à l’intelligence particulièrement vive, mais aussi, et c’est plus problématique, des individus au perfectionnisme sclérosant et au manque dramatique d’estime personnelle. Chaque pensée mène instantanément à une autre, puis une autre, et encore une autre, et ainsi de suite. Toutes n’étant pas spécialement positives, loin de là. Il n’ y a pas de fin, pas de port, bon ou mauvais, pas d’arrivée ni de repos du guerrier. Le processus dans son ensemble étant, en sus, enrobé d’une exigence draconienne envers ce qu’il faudrait que l’on soit, ou ce que nous pensons qu’il faudrait que nous soyons, pour soi mais surtout, et malheureusement, aux yeux des autres. On pourrait dire que tout le monde pense de cette manière, certains le disent, mais non, en fait non, tout le monde ne pense pas comme ça, pas à ce point là. Un point ou l’étendue des possibles inatteignables et le perfectionnisme chronique sont tels, que l’inertie menace en permanence de vous clouer au pilori de l’indécision et de la stagnation, au quai de ceux qui regardent passer les trains…

Et comme il s’agit ici d’un mode de fonctionnement essentiellement cérébro-droitier, tout cela ne va pas sans un émotionnel régulièrement ébranlé, doté d’un ascenseur aux arrêts insupportablement fréquents, à des étages au confort parfois plus que discutable…

Mouvement

Alors, comment revenir ? Et bien peut-être en essayant tant bien que mal de décaler le curseur d’un cran ou deux vers le bas, et de se fixer un nouveau (bien qu’énième) objectif raisonnable. Raisonnable mais incarné et ENVIABLE, c’est à dire qui nous met EN VIE, qui nous REJOUIT, et dont on sait que l’on prendra PLAISIR à le réaliser. Un plaisir purement sensoriel, physique, concret et palpable. Alors, je me suis replongée dans mon recueil de recettes et j’ai parcouru mes petits papiers froissés jusqu’à en trouver un qui attire mon attention, sans me poser plus de questions.

Je vous souhaite à tous (vous-pas-encore-si-nombreux-mais-peut-être-bientôt-qui-sait), une merveilleuse, chaleureuse, lumineuse, bouillonnante et transformante, audacieuse et radieuse nouvelle année, sous le protectorat de la théorie des petits pas.

PS : je ne sais pas quel individu fort inspiré a dit que l’on ne pouvait souhaiter la bonne année que jusqu’au 31 janvier, mais moi je ne l’ai jamais rencontré !

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